De gauche à droite : Françoise Bonnot-Jorgens, Kidi Bebey, Véronique Leroux-Hugon, Marie Poinsot, Claude Delachet-Guillon et Elizabeth Legros-Chapuis

A l'ENS a eu lieu la table-ronde de mars 2027 de l’APA consacrée à "L’exil et les récits autobiographiques".
Animée par Véronique Leroux-Hugon, elle a offert à la centaine de personnes présentes une riche réflexion sur la question à partir d’approches très variées : La journaliste et écrivain Kidi Bebey a présenté son parcours et montré en quoi son récit Mon royaume pour une guitare, évocation romancée de la vie de son père, prenait aussi sa source dans ses propres ressentis de petite fille puis d’adolescente née en France de parents camerounais. C’est en s’appuyant sur « l’ombre portée » en elle par les images, les mots, les saveurs du pays d’origine de ses parents comme sur ce que lui renvoie le fait d’appartenir par la couleur de sa peau à une « minorité visible » qu’elle cherche, après la mort de son père, à retrouver son histoire, à l’inventer pour combler les trous d’un récit familial fragmentaire. Celui-ci, fonctionnaire à l’Unesco, en a démissionné pour se consacrer à ses passions et devenir musicien et écrivain. Kidi Bebey pointe, au-delà des difficultés de l’exil, les richesses qu’apporte « l’inculturation », l’ouverture des possibles qu’elle permet, notamment en s’appuyant sur des langages universels comme ceux de la musique et de la culture.
La plongée dans les textes du fonds de l’APA qu’a ensuite effectuée Claude Delachet-Guillon a permis de montrer l’extrême variété des situations d’exil et des ressentis et parcours des personnes concernées. S’appuyant sur sept textes parmi plusieurs dizaines répertoriés elle fait défiler des profils bien différents : exil économique ou exil politique, exil contraint ou exil choisi, parole de l’exilé lui-même ou parole de la deuxième génération, exils anciens, produits des soubresauts de l’histoire du 20eme siècle ou tout frais, comme celui, par exemple, d’une lycéenne du 21eme siècle, originaire de Comores qui a pu s’exprimer dans le cadre des Journées de l’autobiographie à l’école, organisées conjointement par l’APA et l’académie d’Aix-Marseille. Des extraits, courts mais significatifs, lus par Elizabeth Legros-Chapuis ont ponctué cette présentation en la rendant plus vivante. Françoise Bonnot-Jorgens d’origine bourguignonne s’est installée par amour en Allemagne au début des années 1970. Apaïste de longue date, elle a organisé en 2009 un atelier d’écriture à Dusseldorf réunissant des exilées francophones qui a donné lieu à la réalisation d’un document déposé à l’APA. S’appuyant sur ce texte elle évoque les difficultés d’intégration rencontrées dans ce pays pourtant proche, en particulier celles liées à la langue et à l’alimentation. Elle montre comment racines et nouvelle culture acquise finissent néanmoins à la longue par s’enrichir et conclut joliment : « si toutes les racines du monde pouvaient se donner la main ».
Enfin Marie Poinsot, rédactrice en chef de la revue Hommes et Migrations et responsable des éditions du Musée de l’histoire de l’immigration a expliqué combien il importait de sortir des approches de l’immigration en termes de stocks et de flux et de privilégier les approches qualitatives dans lesquelles les individus sont des sujets. A cet égard la collecte des récits individuels, sous toutes leurs formes, est essentielle. Elle nous a détaillé les différentes sources sur lesquels les chercheurs pouvaient s’appuyer. Elle nous a également présenté la politique très active du Musée de l’histoire de l’immigration qui veut être un outil de diffusion voire de construction des connaissances au-delà des cercles académiques. Elle a insisté notamment sur l’importance d’articuler sciences humaines et disciplines artistiques, ce qui peut s’effectuer à travers la réalisation de reportages ou d’expositions à partir des témoignages ou des réalisations de migrants eux-mêmes. Cette dernière intervention est venue compléter heureusement les témoignages passionnants qui l’avaient précédées en élargissant le propos et en le rattachant à l’actualité et aux besoins sociaux les plus contemporains.

Photo : De gauche à droite : Françoise Bonnot-Jorgens, Kidi Bebey, Véronique Leroux-Hugon, Marie Poinsot, Claude Delachet-Guillon et Elizabeth Legros-Chapuis.
Compte rendu fait par Bernard Massip